Protéines alimentaires

Réseau viscoélastique

1- Force des farines

Fondamental

On apprécie les propriétés viscoélastiques du gluten par l'intermédiaire de la détermination des « forces » des farines. Ce paramètre (W) est défini par l'utilisation d'un alvéographe de Chopin qui mesure et enregistre la déformation d'une pâte boulangère à 43,25% d'eau soumise à la poussée d'un volume d'air croissant jusqu'à la rupture de la bulle de pâte.

Les informations concernant à la fois la déformation et le volume d'air insufflé permettent de connaître l'extensibilité (L) et l'élasticité (P) ainsi que la force de la farine. Ces paramètres permettront de définir si la farine pourra être utilisée en panification ou dans d'autres secteurs (biscuiterie, pâtes alimentaires). Une farine présentant un W inférieur à 250 est considérée comme une farine faible au contraire une farine présentant un W supérieur à 250 sera considérée comme une farine forte. A cette valeur de la force on a l'habitude de prendre en considération le rapport élasticité sur extensibilité (P/L) qui doit être équilibré. Les farines utilisées en panification françaises possèdent des forces comprises entre 180 et 220. Les farines nord-américaines peuvent atteindre des forces supérieures à 300. Dans ce cas il sera extrêmement difficile de façonner de la baguette car il y aura, du fait de la haute teneur en gluténine, une résistance à l'étirement due à la trop forte élasticité de la pâte. Le mélange de farines de forces différentes permet d'obtenir les paramètres désirés en fonction de l'utilisation. Un autre paramètre est à prendre en compte dans ces farines il s'agit du taux de grains d'amidon endommagés qui se répercutera sur le taux d'hydratation de la pâte et la résistance à la rotation des bras du pétrin.

Diagramme obtenu avec un alvéographe Chopin et différents types de farine

P : ténacité de la pâte (élasticité) c'est la pression maximale enregistrée à l'intérieur de la bulle de pâte, G ou L : extensibilité de la pâte c'est le gonflement maximal avant que la bulle de pâte n'éclate, W : force boulangère de la farine (surface sous la courbe), Ie : indice d'élasticité qui est mesuré par le rapport P200/P x 100 où P200 représente la pression à 4 cm du début de la courbe, P/L : rapport de configuration.

Voir tableau :

Corrélations entre paramètres définis à l'alvéographe et la valeur boulangère en panification française

2- Panification

La réalisation d'un pain dépend de la qualité du réseau viscoélastique des protéines du gluten ainsi que de la qualité de l'amidon constituant la farine. Il existe différents types de farine qui vont différer de par leur taux d'extraction.

Voir tableau :

Différents types de farine en panification

Une farine type 55 va renfermer 70 à 80% d'amidon, 9 à 15% de protéine (dont 20% de protéines solubles) et moins de 2% de matière grasse. Les lipides sont généralement associés aux protéines.

Fondamental

On distinguera le pain de tradition française qui sera élaboré à partir de farine plus ou moins complète (100 P/P), d'eau (50 - 65 P/P), de sel (2 P/P) et de levure (2 P/P).

On peut y rajouter les additifs suivants :

  • Les farines de fève à 2% (P/P) ou farine de soja à 0,5% (P/P), sont utilisées pour faciliter la fermentation et augmenter la force des farines en apportant des lipoxygénases dont l'action se répercutera sur les ponts disulfure. Ceci se traduira par une augmentation du volume du pain. En surdosage, ces farines peuvent modifier la flaveur et la saveur du pain (suroxydation des lipides) et favoriser un blanchiment excessif de la pâte et de la mie.

  • La farine de malt de blé à 0,3% (P/P) est surtout utilisée si on constate une trop grande quantité de grains d'amidon abîmés. On peut quelque fois lui préférer l'alpha amylase fongique (4 à 10g/kg de farine) qui réalisera les mêmes performances. Dans les deux cas d'utilisation cela se traduit par une activation de l'amylolyse qui favorisera la fermentation, entraînera une augmentation de l'intensité de la réaction de maillard et une légère augmentation du volume des pains. La farine de malt et l'amylase fongique peuvent être utilisées pour corriger une farine qui manque d'amylase.

    A cet effet on utilise l'indice de chute d'Hagberg qui sert à déterminer indirectement l'activité des alpha-amylases qui peut devenir excessive dans le cas de présence de grains germés ou en voie de germination. Pour déterminer cet indice (défini en secondes), on note les temps de déplacement d'un pénétromètre au travers d'un empois d'amidon réalisé avec la farine à tester.

    En pratique, la farine est considérée comme non panifiable pour un indice en dessous de 180 secondes (activité amylasique trop importante), panifiable pour un indice compris entre 220 et 280 secondes (activité amylasique normale) et supérieur à 300 secondes pour des farines où l'activité amylasique est faible. Dans ce dernier cas il est nécessaire d'ajouter de l'alpha amylase. Les minotiers préfèrent acheter des blés à temps de chute élevé (> 300 secondes) car la correction vers le bas est facile à doser alors que la correction vers le haut est impossible. Un surdosage se traduit par une pâte collante et une mie collante ainsi qu'une coloration très forte de la croûte (rougissement).

  • Le gluten vital est ajouté pour améliorer la force de la farine et le volume des pains et augmenter le taux d'hydratation des pâtes. Cet ajout peut aussi se traduire, si les quantités sont trop importantes, par une mauvaise extensibilité des pâtes.

Fondamental

Dans la formulation du pain courant français tous les ingrédients décrits précédemment sont autorisés et en plus il est permis d'en utiliser d'autres ainsi que de congeler la pâte:

  • L'acide ascorbique ou vitamine C (5 à 20mg/kg de farine) qui en agissant sur la formation et la rupture des ponts disulfure augmentera la force, la ténacité et l'élasticité des pâtes et facilite la machinabilité des pâtons. Le surdosage de la vitamine C entraîne un excès de force des farines avec une perte de l'extensibilité des pâtons, une croûte de pain sèche et pâle, un rassissement important des pains.

  • La lécithine de soja (0,3% du poids de farine) est utilisée pour augmenter l'extensibilité des pâtons, diminuer la porosité des pâtons, augmenter l'onctuosité de la mie et rédure l'oxydation des pâtes au cours du pétrissage. La machinabilité est améliorée. Un surdosage entraîne des pâtes trop extensibles et une mie de pain « grasse ». On peut aussi y ajouter des améliorants lipidiques comme les esters acétiques ou tartriques de mono et diglycérides d'acides gras.

  • l'acide citrique (à 0,5% par rapport à ,la farine) est uniquement utilisé pour les pains de seigle afin d'en améliorer la conservation et de diminuer le collant de la pâte.

  • l'acide propionique est uniquement utilisé pour les produits emballés de longue conservation. Il évite le développement des moisissures mais peut entraîner le dégagement de mauvaises odeurs à l'ouverture de l'emballage et dénaturer la flaveur et la saveur du produit.

On pourra bien entendu retrouver l'addition de lait en poudre écrémé, d'œufs, de matière grasse, de saccharides qui donneront des produits dits de boulangerie fine (viennoiseries, pâtisseries, biscuiteries).

Méthode

La première étape de la panification est le pétrissage. Cette étape est en fait constituée de deux phases. La première dure en général 5 minutes c'est le frasage, elle consiste à mélanger la farine d'origine diverse en respectant la législation (ainsi un pain de seigle devra renfermer au moins 65% de farine de seigle, le pain de méteil devra renfermer autant de farine de seigle que de farine de blé tandis qu'un pain au seigle renfermera au moins 10% de farine de seigle) avec l'eau d'une dureté suffisante pour éviter le collage des pâtes. Il faut suffisamment de sels de calcium qui renforcent les propriétés viscoélastiques du gluten et de chlorure de sodium qui est utilisé comme agent de sapidité mais aussi comme inhibiteur des réactions d'oxydation. On y ajoute aussi les levures qui sont apportées soit directement à la pâte après avoir été délayées (méthode straight dough), soit sous forme de levain (mélange de bactéries lactiques et de levures (méthode sponge dough)) soit encore sous la forme d'une pâte à crêpe (méthode brew). Le frasage est réalisé dans un pétrin mécanique à faible vitesse jusqu'à homogénéisation complète de la recette. C'est durant cette phase que la farine va s'hydrater que les interactions protéine-protéine vont diminuer et que les interactions glutamine-eau vont augmenter. La déformation des réseaux de protéine est limitée par la présence des ponts disulfure.

La deuxième phase consiste à continuer de malaxer pendant 10 à 15 minutes avec des vitesses plus rapides (généralement deux fois plus rapide) ce qui permet d'introduire de l'air, de réarranger le réseau protéique de gluten et d'aligner les molécules de gluténines et de gliadines. Le réseau viscoélastique qui est obtenu lors de cette phase dépend essentiellement des réactions d'oxydoréduction avec cassure mécanique des ponts disulfure et réarrangement de ces derniers en un réseau tridimensionnel. Les gluténines et les prolamines participent à la fabrication de ce réseau grâce à leur structure spatiale (présence des fonctions thiol au niveau des domaines N et C terminaux). Le réseau est stabilisé par des interactions hydrophiles entre acides aminés comme l'asparagine et la glutamine, par des interactions hydrophobes entre acides aminés suivants : Phé, Ile, Leu, Val mais aussi et surtout par le biais d'interaction entre tyrosines. L'utilisation de la vitamine C, des lipoxygénases ou de la thioredoxine favorise la réalisation et la stabilisation des réseaux. La thioredoxine est une protéine qui renferme quelque soit son origine une région conservée constituée par l'enchaînement suivant : Cys-Gly-Pro-Cys. La molécule est inactive quand les Cys se trouvent sous forme oxydée, elle est active quand ses fonctions thiols sont réduites. Ceci permet à partir de farine non panifiable (teneur en gluten trop faible) de les rendre apte à la panification en réarrangeant le réseau de gluten par l'apparition de ponts disulfure intercaténaires.

Avant pétrissage, des associations entre lipides, protéines et polysaccharide sont mis en évidence par des interactions hydrophiles et hydrophobes. Après le pétrissage on caractérise une perte en lipide. Deux possibilités peuvent être évoquées pour expliquer cette constatation. La première consiste en une interaction plus forte entre lipide et protide qui rend les lipides indisponibles pour l'extraction. La deuxième consiste en une interaction plus complexe entre lipide, protide et polysaccharide. On peut imaginer à ce niveau l'établissement d'un complexe qui ressemblerait à une structure en sandwich de type membranaire : le pôle hydrophobe du lipide serait associé avec la partie hydrophobe de la protéine et le pôle hydrophile serait associé avec la partie polysaccharidique hydrophile. Enfin on pourrait évoquer cette perte en lipide par mécanisme d'autoxydation de la matière grasse. On peut caractériser la production d'hexanal qui donne un goût fade et gras à la pâte. Les conditions naturelles du pétrissage favoriseraient cette action. Plus le pétrissage est important plus fin sera le réseau viscoélastique, plus la mie sera blanche, plus le goût sera insipide.

La deuxième étape de la panification est la fermentation. Comme dans le cas du pétrissage elle est constituée de deux phases. La première consiste à laisser la pâte au repos dans le pétrin, elle subit une déformation lente sous l'action des levures présentes dans le milieu c'est le pointage qui se déroulera jusqu'au façonnage des pâtons. Cette opération dure de 30 minutes à trois heures et, c'est à ce moment là que s'effectue la production de molécules aromatiques qui feront le goût du pain. Les levures vont transformer le glucose libre ainsi que le maltose issus de l'amylolyse en gaz carbonique qui provoque le gonflement du pâton et en éthanol. La production de gaz est proportionnelle au développement des levures. Cette libération graduelle permet une meilleure texture tout en évitant la rupture du réseau viscoélastique (poches de gaz limitées par le réseau de gluten).

La deuxième phase ou apprêt, va du façonnage à la mise au four des pâtons. La fermentation a lieu en pâtons et permet leur levée. Avant d'être enfournés les pâtons subissent une scarification qui permet d'éviter au pain d'exploser au cours de la cuisson en laissant s'échapper le gaz carbonique et la vapeur d'eau.

La troisième étape de la panification est la cuisson. La cuisson du pâton levé s'effectue à une température comprise entre 230 et 250°C en atmosphère humide (injection d'eau ou de vapeur dans le four). Au fur et à mesure que s'élève la température, on caractérisera : la destruction des levures à partir de 55°C puis vers 75°C (température de transition pâte-mie) les protéines vont commencer à coaguler (elles seront définitivement dénaturées vers 100°C) enfin vers 80°C sont éliminés le gaz carbonique et l'éthanol. L'élimination de ces deux derniers produits laisse, dans le réseau, une empreinte in situ sous la forme d'alvéoles caractéristiques de la mie dont la taille varie de 50µm à 5mm. Meilleure aura été la conduite de la fermentation plus l'alvéolation de la mie sera fine et homogène.

Au sein de la mie, la température n'atteint jamais 100 °C, elle est le siège de la gélatinisation de l'amidon avec lixiviation des molécules d'amylose depuis le grain d'amidon gonflé vers le réseau élastique. Par contre, à la surface du pâton, la température peut atteindre jusqu'à 230-250°C. Au niveau de la croûte les réactions de caramélisation et de Maillard engendrent de très nombreux composés responsables de la couleur et du goût de la croûte et donc de celui du pain. Le volume du pain aura augmenté de 65%. Cette augmentation de volume peut être obtenue en absence de levure mais en présence de poudre levante par simple dilatation des gaz sous l'effet de la température.

L'étape de cuisson qui dure de 20 à 40 minutes est suivie par une étape obligatoire, généralement en atmosphère contrôlée, qui permet le refroidissement du pain : le ressuage. Il se caractérise par un dégagement de vapeur d'eau et de dioxyde de carbone. La perte en eau ne dépasse jamais 1 à 2% et le pain frais présente une teneur finale en eau de l'ordre de 45%. Pendant cette période, des composés aromatiques de la mie vont migrer vers la croûte et inversement des composés spécifiques formés au niveau de la croûte se retrouvent dans la mie.

La dernière étape de la panification est le rassissement du pain. Au cours du pétrissage, de la cuisson une partie de l'amylose se trouve libérée. Dès le refroidissement il tend à donner des structures de type cristallin caractéristique des propriétés organoleptiques du pain frais. Par la suite on assiste à une cristallisation des chaînes A de l'amylopectine. Cette cristallisation s'accompagne d'une synérèse avec assèchement de la mie (augmentation de la friabilité du pain rassis) et migration concomitante de l'eau vers la croûte (ramollissement de la croûte). Le durcissement de la mie augmente quand la température diminue et présente un maximum aux environs de 0°C. Cet état est favorisé si l'emballage est hermétique (sac plastique). Il est donc préférable de congeler le pain plutôt que de le conserver au réfrigérateur.

3- Produits de la biscuiterie

En biscuiterie les farines qui seront utilisées seront de force faible car la pâte doit être extensible et non élastique afin de pouvoir subir les étapes de laminage sur rouleaux. Le gluten a un rôle moins important que l'amidon dans ce type de produit au point de vue des propriétés. Les teneurs en eau de ces produits sont nettement inférieures à celles utilisées en panification par contre il y a beaucoup plus d'ingrédients ajoutés comme par exemple :le saccharose, les œufs, le lait, des lipides, des bicarbonates voire des protéases. Dans ce dernier cas il s'agira de réguler la force de la farine par une hydrolyse des gluténines.

4- Production de pâtes alimentaires

Les pâtes alimentaires sont réalisées à partir de semoule de farine de blé dur à 65% d'extraction qui renferme un taux de protéine plus important que pour le blé tendre. On travaille des semoules (particules comprises entre 150 et 500µm) car la structure vitreuse du grain ne permet pas d'avoir des farines de faible granulosité. Autre particularité du blé dur, le gluten ne renferment pas de gluténines de haut poids moléculaire et ne permet pas de fabriquer un réseau viscoélastique indispensable en panification. La semoule est pétrie avec 25 à 30% de leur poids en eau pendant 20 minutes à une température de l'ordre de 35°C. On peut parfois y ajouter de la poudre d'œuf. Après obtention d'une pâte ferme et homogène cette dernière est extrudée sous différentes formes à des pressions de l'ordre de 130 bars. L'opération la plus délicate réside dans le séchage des pâtes, elle est réalisée à une température de l'ordre de 78°C en HRE contrôlée afin d'obtenir en moins de 24 heures une teneur en eau finale des pâtes voisine de 11 à 13%. Une fois sèches, les pâtes sont stables à l'entreposage. A la cuisson elles reprendront en général deux fois leur poids en eau et leur volume sera multiplié par un facteur trois ou quatre. La cuisson doit toujours être effectuée dans des volumes d'eau importants et il faut éviter la gélatinisation de l'amidon qui rend les pâtes collantes.

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