Protéines alimentaires

La gélification des protéines

Définition

La gélification des protéines est obtenue soit à partir de protéines solubles (ovalbumine, protéines de soja, protéines du lactosérum...) soit encore à partir de protéines insolubles (collagène, complexe actomyosine...) par chauffage suivi d'un refroidissement. Dans certains cas l'acidification est nécessaire. L'addition de sels ou d'ions peut augmenter la vitesse de gélification ou la fermeté du gel obtenu. Certaines protéines peuvent gélifier sans chauffage soit par voie enzymatique (micelle de caséine, fibrine, protéines du blanc d'œuf), soit par addition d'ions (calcium et caséine) soit encore par une alcalinisation suivie d'un retour à la neutralité ou au pI de la protéine (protéine de soja).

Remarque

Pour obtenir un bon gel il faut que l'étape d'agrégation soit lente par rapport à l'étape de dénaturation de façon à ce que les chaînes polypeptidiques aient le temps de s'organiser dans l'espace pour donner un gel homogène, ordonné, de consistance lisse, fortement expansé, élastique, transparent, stable en regard à la synérèse et à l'exsudation.

La gélification est réalisée pour améliorer les propriétés d'absorption d'eau, de pouvoir épaississant, comme liant (adhésion des particules), participer à l'élaboration d'une mousse ou d'une émulsion. Nous décrirons ici deux techniques de gélification qui sont utilisées pour la fabrication du fromage fondu et du surimi.

1-Le fromage fondu

C'est un produit qui est apparu au début du XXe siècle après que la production industrielle du fromage se soit développée au XIXe siècle. La recherche de nouveaux débouchés et plus particulièrement l'exportation vers les pays tropicaux ont mis en évidence qu'il y avait dans ces conditions des modifications de la texture et de la saveur des fromages. Dès 1900, allemands et hollandais résolvent partiellement ces problèmes en enfermant les fromages à pâte molle ou semi-dure dans des emballages qui sont soumis à la pasteurisation. Ce procédé ne peut être appliqué au fromage à pâte dure comme l'emmental où l'on assiste à une rupture de la structure associée à une synérèse et une exsudation de la matière grasse.

En 1911, Gerber et Stettler ont mis au point un protocole inspiré de la traditionnelle fondue savoyarde qui consiste à déstructurer la paracaséine en cassant ou dispersant les agrégats micellaires.

Méthode

On utilise des mélanges de différents fromages selon leur flaveur, leur texture et leur degré de maturité. Les fromages sont âgés de 6mois dans 70% des cas. Ce sont des fromages à pâte dure ou demi-dure comme le cheddar aux USA, Canada et Grande Bretagne, emmental, gouda, gruyère en Europe. A cette matière première il peut être ajouté d'autres produits laitiers (petit-lait, crème, beurre, caséine...).

Après broyage des fromages, ceux-ci sont placés dans un pétrin et on ajoute des sels de fonte qui peuvent être solubilisés dans de l'eau. De la teneur en eau dépendra l'humidité finale du produit. Ces sels de fonte sont des molécules susceptibles de chélater le calcium donc de déstructurer la micelle de caséine, ils vont modifier la texture par modification du pH du milieu. Idéalement celui-ci sera compris entre pH 5,4 et pH 5,9, inférieur à pH 5 le fromage fondu va perdre sa structure homogène et devenir friable, au dessus de pH 6,5 la structure est trop molle. Les différents sels de fonte utilisés sont les suivants : ortophosphate de potassium, polyphosphate de potassium, citrate tripotassique, phosphate dipotassique et pyrophosphate tétrapotassique. Les sels de potassium sont préférés aux sels de sodium pour éviter l'augmentation de la teneur en sodium dans le produit fini. La teneur en sels de fonte peut être diminuée en introduisant des composés émulsifiants ainsi la concentration en polyphosphate de potassium est diminuée si on ajoute dans le milieu soit du stéaryl-lactyl-lactate de sodium, soit des amidons phosphorylés soit encore des ะบ-carraghénanes.

Les fromages sont formés par la juxtaposition de granules de caillé composé essentiellement de protéine et de matière grasse sous forme de globule lipidique. Sous l'action de la chaleur (température supérieure à 60°C) et du broyage le fromage perd sa structure. Après addition des sels de fonte, ces derniers vont chélater le calcium qui se trouve lié aux protéines et transformer le paracaséinate de calcium insoluble en paracaséinate de potassium soluble. Il y a rupture dans un premier temps des ponts calcium intermoléculaires ce qui entraîne les phénomènes suivants :

  • la cassure des premiers ponts calcium découvre d'autres ponts calcium qui à leur tour sont cassés le fromage se transforme en une solution colloïdale, les protéines étant d'autant plus solubles qu'elles sont pauvres en calcium. C'est l'étape de la peptisation.

  • parallèlement à la déstructuration de la micelle de caséine on assiste à une modification de la matière grasse qui se trouve sous forme de globules lipidiques de taille plus ou moins importante entourés ou non de leur membrane. Au cours du chauffage les globules lipidiques vont se répartir de façon uniforme dans la masse, le déplissement des protéines entraîne l'apparition de zones hydrophiles et hydrophobes ce qui augmente les propriétés émulsifiantes des protéines dénaturées, il semble que ce soit la caséine β qui joue plus particulièrement ce rôle. L'augmentation des charges négatives (due à la chélation du calcium) entraîne une augmentation de l'hydratation et un gonflement du produit. C'est l'étape de crêmage.

Lorsque les différentes réactions sont à l'équilibre l'ensemble est soumis à un refroidissement qui a pour but de figer les structures. Il y a fabrication d'un réseau tridimensionnel retenant l'eau et la matière grasse émulsifiée. Le réseau est renforcé par des interactions intermoléculaires (ionique, pont hydrogène, force de Van der Waals), par des ponts polyphosphates et aussi par le fait que des ponts calcium pourront se recréer avec la protéine déplissée.

2- Le surimi

Définition

Ce produit n'a pu se développer que grâce à l'utilisation des cryoprotecteurs capables de ralentir la dénaturation des protéines lors de la congélation. Il est obtenu à partir de chair de poisson et fabriqué soit à terre soit à bord de navires ateliers. Il doit être blanc et donner des gels ferme et élastique après cuisson.

Méthode

La chair de poisson est broyée après étêtage et éviscération dans un séparateur mécanique qui permet d'éliminer les peaux et les arêtes. La pulpe obtenue est soumise à de nombreux lavages avec des solutions de bicarbonate de sodium à 0,5%, à l'eau et enfin avec une solution saline pour diminuer la teneur en eau de la pulpe. Ces lavages ont pour but d'éliminer le muscle brun (poisson gras), tous les solubles de faible masse moléculaire, les protéines sarcoplasmiques et les graisses surnageantes. La masse restante constituée uniquement par un complexe d'actomyosine est pressée et additionnée de cryoprotecteurs comme le sorbitol à 4%, le saccharose à 4% ou les polyphosphates à 0,25%. L'ensemble peut alors être congelé et il se conserve sans problème à des températures de l'ordre de – 30°C. C'est ce qu'on nomme le surimi.

La gélification met en place un réseau protéique qui se réalise en deux temps tout d'abord une dénaturation suivie par une agrégation. Il faut que l'agrégation se fasse avec une vitesse beaucoup plus lente que celle de la dénaturation de façon à ce que les protéines déplissées puissent s'associer et s'orienter correctement. L'agrégation est comparable à une cinétique d'ordre 1 qui se déroule à une température inférieure à 50°C (elle se produit même à des températures de l'ordre de 0°C). Au-delà de 50°C l'agrégation est rapide et le réseau fabriqué est moins bon d'un point de vue fonctionnel. Il s'agit plutôt d'un phénomène de coagulation. La structure hélicoïdale des protéines passe sous forme de pelote statistique où, des liaisons de covalence comme les ponts disulfure ou les liaisons γ glutamyl-lysine peuvent intervenir pour solidifier le réseau. Le formaldéhyde produit par la dégradation de l'oxyde de triméthylamine peut créer des pontages avec des fonctions amine libres.

Le gel formé fin, élastique, translucide est ensuite stabilisé par cuisson (température de l'ordre de 100°C) favorisé en cela par la création de liaisons hydrophobes et par des liaisons hydrogène et polaire au moment du refroidissement. Le produit obtenu est le Kamaboko (cuisson à la vapeur). Au cours de cette cuisson on peut adjoindre des auxiliaires de fabrication qui renforceront les propriétés mécaniques du gel comme :

  • Les protéines du blanc d'œuf à une concentration ne dépassant pas 12% (P/P) qui entraînent une augmentation et l'élasticité du gel. Il y a formation de 2 réseaux imbriqués celui des protéines aviaires et celui du complexe d'actomyosine.

  • Le gluten à une concentration ne dépassant pas 4% (P/P), ce mélange de protéines à une utilisation limitée car il entraîne une coloration du gel et l'apparition d'odeur désagréable.

  • L'amidon peut être ajouté mais il est inefficace quand à l'amélioration des propriétés élastiques des gels mais il va améliorer la fermeté, l'aspect des gels et la rétention d'eau. L'effet maximal est obtenu quand la cuisson du surimi est effectuée à la température de gélatinisation de l'amidon et lorsque la concentration ne dépasse pas 6% (P/P). On ne doit pas utiliser des amidons prégélatinisés qui iront se mélanger finement à la pâte protéique et détruiront la cohésion du réseau.

La cuisson peut se réaliser sur des films minces qui seront enroulés en cylindre par la suite pour donner des succédanés de bâtonnets de crabe ou des analogues de coquilles saint-jacques. La cuisson peut aussi être réalisé sur des filaments ou des rubans de surimi puis placer dans des formes en association avec des agents liant thermocoagulables.

C'est le principe de la fabrication des « queues de langoustes ».

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